Le confinement en EHPAD : pourrait-on faire mieux ?

Le Plan Bleu, en vigueur notamment dans les EHPAD, est remplacé par la loi d’urgence sanitaire. Il restera en vigueur dans les établissements sociaux et médicosociaux. Il est destiné à protéger les résidents, les personnes âgées en particulier, des effets de la contagion par le Covid19. Il est en vigueur depuis 3 semaines et a eu pour effet de faire interdire toutes les visites à tous les résidents.


Et pourtant on annonce des contaminations par le personnel. L’interdiction de toutes les visites des proches n’a donc pas eu l’efficacité espérée.
Cette interdiction était-elle nécessaire ? Peut-on faire autrement ?
La loi d’urgence sanitaire prévoit des aménagements notamment au mode de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux.


Le ministre de la santé peut prescrire par arrêté motivé toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire et toute mesure individuelle nécessaire à l’application des mesures prescrites par le Premier ministre à condition que les mesures soient strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

À juste titre, les proches des résidents des EHPAD sont inquiets pour ceux des résidents qui n’ont aucune possibilité ni de mobilité ni d’expression. La visioconférence ne remplacera jamais la main que l’on tient, la caresse sur la joue, les regards qui s’accrochent.
Certains d’entre eux, dans le cadre du contrat de soin, veillaient au quotidien à ce qu’ils soient nourris lentement, hydratés, soignés, signalaient l’aggravation des symptômes, assuraient l’hygiène quotidienne et surtout apportaient la présence réconfortante qui maintient le goût de vivre.
Comment faire pour que ces personnes ne subissent pas la souffrance d’avoir le sentiment de l’abandon de leur proche ?

La loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement a donné toute sa place au « proche-aidant », celui « qui vient, en aide de manière régulière et fréquente » et aux bénévoles pour compenser le manque de moyens en aides-soignants, médecins coordonnateurs, infirmiers, kinés, et autres professionnels de santé ou de soin qui manquaient déjà cruellement.

Les mesures de confinement permettent la circulation du proche-aidant « qui assure une présence ou une aide indispensables au soutien à domicile d’un bénéficiaire de l’APA » (Déclaration sur l’honneur prévue par l’article 3 du décret du 23 mars 2020)
Il s’agit d’une aide à domicile pour un proche vulnérable, d’autant que les auxiliaires de vie à domicile commencent à manquer. Le proche-aidant va devenir encore plus indispensable.
Il en est de même en établissement où l’annexe au contrat de séjour est aménagée dans l’intérêt des personnes accueillies, si elles (les mesures prises) s’avèrent strictement nécessaires et ne doivent pas être disproportionnées par rapport aux risques encourus.
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La loi n’a pas suspendu la procédure collégiale d’adaptation de l’annexe au contrat de séjour.
Sans oublier la loi Léonetti sur la fin de vie, puisqu’il faut désormais y penser, qui impose l’accompagnement du mourant par ses proches.
Ne peut-on imaginer quelques règles simples et évidentes afin de permettre à ces populations de résidents totalement dépendants de ne pas être abandonnées de tous afin de recevoir les soins dispensés par les proches-aidants définis par la loi, et permettre aussi la prise en compte de l’impérieuse nécessité de maintenir la présence affective qu’ils reçoivent de leur aidant le plus proche.

Il s’agirait seulement d’organiser les visites du proche-aidant ou de la personne de confiance qui, déjà avant le confinement, avait reçu délégation de l’établissement de dispenser les soins courants, en général, prévu par l’annexe au contrat de séjour en raison de la perte d’autonomie du résident.
À l’évidence, la loi impose de prendre en compte la particularité de chaque situation, au cas par cas, sous la responsabilité du directeur qui conserve la libre appréciation de la situation en fonction de la bonne organisation de son établissement.


Il aura intérêt à s’appuyer sur l’équipe pluridisciplinaire, qui appréciera la situation personnelle du résident, la charge supplémentaire de travail que son état impose à un personnel soignant déjà débordé et apprécier la nécessité de la présence du proche-aidant du point de vue de sa participation aux soins, en portant une attention particulière à l’impact de son absence sur l’état physique et moral du résident.


Évidemment, cette personne, comme pour les professionnels, sera introduite auprès de lui dans le respect des mesures de distance à l’égard des autres résidents, le port de protections indispensables et espérons-le, dès que possible, pourra faire l’objet d’un dépistage systématique à titre préventif.


Comme le rappelait le Docteur Lescure, les jeunes qui semblent non infectés en dessous de 25 ans pourraient servir de relais. Il préconisait la visite des petits-enfants.


Comme les services hospitaliers, les établissements sociaux et médico-sociaux devraient pouvoir bénéficier en priorité du matériel de protection et de tests de dépistage de toute personne entrant dans l’établissement. Ce n’est qu’à cette condition que les plus vulnérables pourront être protégés de l’épidémie actuelle, par la prise en compte complète de leurs besoins de sécurité sanitaire et affective.


Espérons qu’il ne sera pas trop tard et que des mesures pourront être imposées par les arrêtés que le ministre de la santé peut prendre.

Maître Marie-Hélène ISERN-REAL
Avocat
Conseillère scientifique FIAPA et ALMA France



FIAPA 23 mars 2020
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COVID-19 : Avis du Comité Consultatif National d’éthique.