FIAPA : COMITÉ D’ENTENTE « AVANCÉE EN ÂGE » DU DEFENSEUR DES DROITS

1 – Sur le sujet de la crise sanitaire et du processus de déconfinement
Nous ne pouvons qu’appuyer le cri d’alarme qui est lancé par la FNAPAEF dans sa lettre ouverte au Président de la République concernant les modalités de visite des familles dans les EHPAD.
L’ouverture des EHPAD n’est au final qu’un pur effet d’annonce puisque, en regard des recommandations qui nous ont été fournies, de nombreux établissements sont déjà « assouplis » depuis le 11 mai si ce n’est avant. Or, dans la pratique, les familles n’ont 50 accès aux espaces collectifs, encore moins aux chambres où résident leurs parents. Cette situation génère beaucoup de souffrance, de frustration, de colère et de conflit alors que cela pourrait ne pas être le cas.

2 – La FIAPA souhaite apporter les éléments de réflexion et contributions suivantes pour le projet de loi Grand Age et Autonomie :

  • La commission Bientraitance du HCFEA a réalisé, sous la présidence de M. Piveteau, un travail de définition de la maltraitance et des discriminations, nourri de l’intervention croisée de nombreux acteurs du secteur PA/PH. La commission Piveteau a synthétisé l’ensemble de ces réflexions dans une note d’orientation concernant l’inclusion, l’expression et la participation des personnes âgées et en situation d’handicap. Par ailleurs, la commission a lancé un groupe de travail pour analyser les conséquences discriminatoires du vocabulaire utilisé dans les politiques publiques et par les professionnels sur le terrain. Des recommandations sont émises par ce groupe de travail pour changer de sémantique, et ainsi changer le regard sociétal sur la place et le rôle de nos aînés.
  • Les aînés ne doivent pas être mis de côté dans ce processus de déconfinement très actuel, mais aussi lors des catastrophes naturelles, attentats … la FIAPA préconise la mise en place de cellules d’urgences sociales et médico-sociales gérontologiques au niveau des départements pour accompagner les plus fragiles, comme cela se pratique pour d’autres catégories de la population. Ces cellules doivent être dotées d’équipes et de dirigeants formés à la gestion de crise et à l’anticipation des situations sociales complexes qui en découlent.
  • Comme cela a été souligné unanimement tout à l’heure, les associations représentant des aînés et/ou de leurs familles, des bénévoles, doivent pouvoir prendre part aux débats actuels sur l’ensemble des projets de loi et décrets d’application qui les concernent. Les actions de lobbying sont tolérées et largement pratiquées par tout un lot d’organismes, de façon quotidienne, sur tout autre sujet traité par le Parlement. Pourquoi les associations reconnues dans les politiques sociales et médico-sociales n’auraient-elles donc pas voix au chapitre ? Nous dénonçons par ailleurs les conditions dans lesquelles se déroulent les « négociation » du Ségur de la Santé ainsi que l’absence totale de concertation sur la loi Grand Age et Autonomie.
  • Le travail nécessaire sur la définition de la vulnérabilité a été souligné par certaines associations. La FIAPA a une position très réservée, si ce n’est extrêmement prudente, sur cette question car elle ne doit pas être la porte d’entrée d’un âgisme consacré par le débat parlementaire et/ou par le droit. En effet, l’argument de la vulnérabilité ou de la fragilité est trop souvent le prétexte à des décisions ou des normes liberticides pour nos aînés : les meilleurs exemples sont la cuisson obligatoire de la viande rouge à 63°c à coeur (immangeable !), l’impossibilité de servir des oeufs à la coque en restaurant d’établissement, les refus et inquiétudes systématiques d’organisation de sorties ou de départ en vacances en autonomie, les limitations abusives de la liberté d’aller et venir avec des digicodes nombreux et inaccessibles, … Comme disait La Fontaine, « l’adversaire d’une vraie liberté est un désir excessif de sécurité ». La loi Grand Age et Autonomie doit pouvoir consacrer le droit à la prise de risque quel que soit l’âge, la santé ou la situation personnelle d’un individu, dès lors qu’il est possible de recueillir son consentement ou son assentiment. Il nous semble, en outre, préférable d’inscrire des éléments de déclinaison concrète de la charte sociale européenne que la France a ratifié mais dont l’application fait régulièrement défaut.
  • La loi Grand Age et Autonomie doit faire inscrire dans les programmes d’éducation scolaire (au travers du sport, d’engagement associatif, de sorties scolaires, …) ou dans le cadre de dispositif de type Sport/Civisme/Culture/Santé ou encore dans le cadre du service militaire, un enseignement de lutte contre l’âgisme et contre toute discrimination liée à l’âge et au handicap.
  • La création d’un 5ème risque de sécurité sociale ne nous laisse pas insensible, mais suscite quelques réactions ambivalentes de notre part. Si nous saluons et soutenons le financement de l’avancée en âge (tant attendu !), nous sommes perplexes quant aux modalités de concertation inexistante sur le contenu et le fonctionnement de ce 5ème risque. Il ne s’agit pas défendre un vieux totem des politiques sociales si celui-ci ne permet pas d’acter un réel changement de paradigme dans l’accompagnement de nos aînés. Il est donc, à notre sens, hors de question que le 5ème risque permette de valider et de pérenniser le mode de financement actuel des établissements et services sociaux et médico-sociaux, fondé sur des scores et attributions de points en fonction du degré de dépendance d’une personne. Le fonctionnement de ce système est d’autant plus pervers que plus les scores sont élevés (donc plus les personnes accueillies sont malades et/ou grabataires), plus l’établissement perçoit de moyens humains et financiers « conséquents » alors qu’eux-mêmes insuffisants pour accompagner des réalités humaines et de santé délicates. A contrario, plus les professionnels sont engagés dans une démarche de soin, de maintien de l’autonomie, de favorisation de la prise de risque, moins les scores de leurs résidents sont élevés, et plus leurs moyens baissent. Impensable ! La création d’un 5ème risque doit donc être accompagné d’un débat d’ampleur nationale sur la politique sociale de l’autonomie et sur les standards de qualité et d’accompagnement, dont des ratios d’encadrement de personnel soignant minimum et opposables au Ministère et aux conseils départementaux, que nous souhaitons collectivement proposer à nos aînés.
  • La reconnaissance des maltraitances financières et emprises mentales comme réelle problématique de santé publique et de respect de la citoyenneté. Un dispositif législatif, réglementaire et opérationnel adapté aux maltraitances financières doit émerger.


3 – Fonctionnement des EHPAD et pouvoirs des directeurs
Nous partageons et soutenons votre analyse et votre proposition de travailler sur le pouvoir de décision des directions d’EHPAD. Nous attirons également votre attention sur le caractère de « clé d’entrée » de la situation insatisfaisante du fonctionnement des EHPAD à l’heure actuelle.
En effet, travailler sur la circonscription et la clarification des missions des directeurs d’EHPAD suppose de pouvoir les mettre en corrélation avec les missions et moyens financiers, équipes et compétences qui sont ou seront effectivement donnés pour l’accompagnement des aînés.


4 – Décision du défenseur
Nous saluons la décision rendue sur le fondement de la discrimination liée à l’âge et à l’autonomie. Nous en assurerons une diffusion large et ne manquerons pas de prendre attache auprès de vos équipes dès lors que nous aurons des situations à vous signaler.
Le sujet des « dames de compagnie » ne doit cependant pas bénéficier d’une validation officielle de remplacement ou de suppléance du personnel soignant. La FIAPA pense que vos équipes ou vous-même pourriez le préciser en marge de vos interventions auprès des parlementaires ou dans le communiqué de presse qui accompagnera probablement la publication de cette décision.


Nous soutenons la démarche, en tout état de cause.

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FIAPA 16 juin 2020
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