ÂGES ET CONFINEMENTS : ALERTES

Conseil scientifique Fédération 3977 contre les maltraitances
Commission Âge droits Liberté (SFGGG)
Fédération internationale des Associations de Personnes Âgées (FIAPA)
Association Francophone pour les Droits de l’Homme
(Coordination du texte R. Moulias)

I- DES FRAGILITES ACCOMPAGNENT INEGALEMENT l’AVANCEE EN AGE


Chaque individu vieillit différemment. Les facteurs de protection ou de risque sont nombreux : accès à l’hygiène de base, niveau éducatif atteint à 12 ans, voire avant, maladies inflammatoires, régime alimentaire, activité sociale, capacités de résilience, conduites à risques, etc. … et terrain génétique. Les progrès des modes de vie ont reculé l’âge de la vieillesse dans les pays industriels ». La longévité y est devenue la règle. Le vieillissement prématuré y est devenu un vieillissement pathologique. En France la grande majorité des septuagénaires n’a pas de fragilité majeure, sauf éventuellement celles liées à l’inactivité.
Les fragilités ne connaissent pas de barrière d’âge. Certaines des fragilités attribuées à la vieillesse débutent avant 50 ans. L’état de bonne santé physique, mentale et de résilience est souvent une caractéristique des « grands vieillards » tels les centenaires. La doyenne des guéris du corona virus a 107 ans. Ce n’est pas la vieillesse qui conduit en EHPAD, mais un cumul de fragilités physiques, psychiques et sociales faisant perdre son indépendance au citoyen.
Les discriminations existantes, basées sur l’âge chronologique sont-elles mêmes sources de fragilités : pertes d’activités physiques, psychiques, sociales, de revenus, de droits (droit au travail, loi sur le Handicap, etc.).
L’âgisme est la plus répandue et la mieux ancrée des discriminations. Il se diffuse de façon insidieuse, saugrenue et sans pitié. Il ne faudrait pas qu’une mesure officielle se voulant protectrice, renforce l’exclusion sociale d’une partie des citoyens. Chez les aînés, il y a plus de femmes et hommes qui participent à la vie de la cité par leur activité familiale, bénévole ou professionnelle que de « personnes âgées » ayant besoin d’assistance passive.
Certains citoyens âgés sont accueillis en EHPAD en raison d’un cumul de handicaps qui rend impossible leur vie à leur domicile. Vivre confinés dans un espace collectif fermé les expose fortement à la contagion (comme les marins d’un porte -avion !). Le cumul de fragilités les expose aux formes graves. Les résidents d’EHPAD dans leur diversité ne sont absolument pas représentatifs de l’ensemble des aînés, même les plus âgés. « La Personne Âgée », stéréotype médiatico-administratif, n’existe pas. Les différences inter-individuelles croissent avec l’âge. Il n’y a pas « La Personne Âgée ». Il y a des citoyens adultes dont certains ont développé à la suite de maladies ou de l’inactivité des handicaps divers au cours de leur avancée en âge.
Stigmatiser cette partie de la population renforce ou entraîne chez de nombreux adultes âgés des sentiments d’inutilité, de culpabilisation, une démotivation et une inactivité lentement mais fortement pathogènes.


LE SEUL ÂGE CHROLOGIQUE N’EST JAMAIS UN CRITERE PERTINENT DE CAPACITES OU D’INCAPACITES

II- L’EPIDEMIE ACTUELLE ENTRAÎNE UN RISQUE ELEVE CHEZ D’AUTRES POPULATIONS


Certains de ces facteurs de risque sont connus. Ils n’ont pas d’âge : obésité, chimiothérapie et traitements anti-inflammatoires, insuffisances cardiaques, pathologies respiratoires chroniques, hypertension artérielle (ce qui a peut -être un lien avec la pathogénie de la susceptibilité). Mais nul ne peut encore dire à quel niveau le confinement serait nécessaire pour ces personnes. Le niveau de risque est cependant plus facile à définir que sur la notion d’âge chronologique. Par exemple, en EHPAD celui a 60 ans est bien plus « fragile » que la centenaire qui est là parce qu’elle vivait seule, voit mal, entend mal et ne marche pas très bien.
Il existe deux facteurs importants que l’on ignore encore :

  • La susceptibilité individuelle, génétique, comme pour toute maladie.
  • Surtout le rôle de la charge virale initiale qui pourrait être logiquement un facteur important de gravité et qui justifie le confinement de personnes infectées.
  • Seules des études cliniques permettront de répondre à ces questions.

III- LE CONFINEMENT PROTEGE EFFICACEMENT, MAIS ENTRAÎNE DES EFFETS NOCIFS A TOUS LES ÂGES – EN PARTICULIER DANS LA VIEILLESSE …. ET LA JEUNESSE, SURTOUT S’IL DURE

Confinement et inactivité créent des risques. L’inactivité physique, psychique et sociale est un facteur de mauvais pronostic démontré quel que soit le diagnostic chez le sujet âgé, mais aussi chez le chômeur de longue durée. Le confinement au domicile durable est une situation pathogène démontrée en gériatrie. Pour le sujet âgé fragile ou « dépendant » déjà confiné au domicile, le confinement général a altéré pour lui ses possibilités d’activités extérieures et de recevoir aides et soins et pour son proche -aidant a souvent aboli les possibilités de répit.


IV- IL EST PLUS EFFICACE D’ISOLER LE CONTAMINATEUR POSSIBLE


Dans la mesure où les porteurs étaient inconnus, où ni masques, ni tests n’étaient disponibles le confinement quasi total temporaire était la seule protection efficace. Les contaminateurs étaient peu nombreux, mais chacun contaminant plus de trois personnes en moyenne, avec un risque vital.
Aujourd’hui, on commence à disposer de tests, de masques, la distanciation est comprise. La symptomatologie est connue et parait liée en partie à l’importance de la charge virale. On va se trouver dans une situation paradoxale où celui qui met autrui en danger va être libre de contaminer les autres et où, par principe de précaution, on va maintenir enfermés chez eux, avec une certitude d’effets secondaires, ceux qui risquent le plus d’un confinement prolongé. Dans le même temps la libre circulation des contaminateurs possibles laissera se poursuivre et se développer la pandémie, alors que l’on n’est pas certain d’arriver grâce à la maladie à une « immunité collective » protectrice.


V- IL SERA JURIDIQUEMENT DIFFICILE DE JUSTIFIER LE CONFINEMENT DES UNS, LA LIBRE CIRCULATION DE AUTRES


La période de contagiosité des porteurs de virus est brève celle de risque d’être victime d’une forme grave est indéfinie, jusqu’à l’apparition – probable, mais non certaine – de traitements préventifs. La loi française prévoit la sanction de ceux qui transmettent sciemment une maladie infectieuse. Au lieu de cela on va sanctionner ceux qui, masqués et prenant leurs distances ne peuvent plus rester enfermés sans contacts avec autrui, ni aider autrui. Il y a beaucoup plus d’adultes âgés qui assistent de plus jeunes (petits enfants) ou ont rôle social (bénévolat) que d’aînés ayant besoin d’assistance.


VI- IL EST ETHIQUEMENT IMPOSSIBLE DE JUSTIFIER LE CONFINEMENT INDEFINI DES UNS, LA LIBRE CIRCULATION DES AUTRES


Certains pays et institutions européennes et internationales considèrent que le confinement des aînés doit être la règle, mais atténuée par la liberté individuelle de prendre des risques. On ne peut pas être d’accord : le risque d’être contaminé entraînant à son tour un risque d’être contaminant et un coût pour la société. La prise de précautions pour soi, comme pour les autres fait partie d’une éthique de base. D’ailleurs ces mêmes pays ont des législations draconiennes pour la conduite sous influence de l’alcool.
De même pour certains le confinement ou les limitations de circulation des personnes contaminantes possibles ne devraient se faire que sous la règle du volontariat pour respecter les « droits fondamentaux » et les libertés individuelles. Cette vision n’est absolument pas éthique. La liberté des uns s’arrête là où elle lèse les autres. Il rait paradoxal que l’on enferme indéfiniment les sujets à risque pour éviter aux sujets contaminants un bref confinement ou limitation de circulation.


VII- TROIS ALERTES POUR DES PROTECTIONS EFFICACES DANS LA DUREE


Notre groupe n’a pas de légitimité pour faire des recommandations, mais a le devoir d’alerter. Le confinement global était une mesure d’urgence de salut public, ne pouvant durer. L’alerte est triple :

1– Le confinement indéfini des populations à risques, notamment âgées serait vite intenable en raison des effets secondaires multiples, pouvant à leur tour être source d’une saturation du système hospitalier et d’une forte sur-mortalité. Vu les difficultés de définir les populations à risques on organise une nouvelle discrimination basée l’âge. Les aînés sont aussi les plus exposés aux effets nocifs du confinement prolongé. Les citoyens âgés sont capables, comme les autres, de comprendre et prendre les mesures individuelles de protections nécessaires
  2– L’absence de confinement ou de précautions OBLIGATOIRES, pour les sujets reconnus contagieux, laisserait en libre circulation des personnes mettant en danger autrui. Leur temps de limitations e circulation est bref, donc tolérable, alors que celui des sujets à risque serait indéfini, donc intolérable.
  3– Restera le problème des relations grands -parents (présumés fragiles) – petits -enfants (porteurs sains potentiels). Le sujet mérite une étude spécifique pour émettre des recommandations adaptées. Pour être efficaces elles devront être réalistes et tolérables. Une étude récente montre que les enfants se contaminent peu, sont plutôt contaminés par leurs parents et non l’inverse et que contaminés, ils auraient une charge virale faible.

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FIAPA 19 avril 2020
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FIAPA et AIUTA : Saisine du Défenseur des droits